http://www.lemonde.fr/m/article/2011/12/23/ai-weiwei-artiste-de-la-revolte_1621975_1575563.html
Ai Weiwei, artiste de la révolte
Artiste, architecte, cybermilitant trublion inclassable, Ai Weiwei réussit surtout l'exploit de donner un visage à la dissidence chinoise. Ce qui lui vaut d'avoir été choisi par la rédaction du "Monde" comme la personnalité de l'année.
Par Brice Pedroletti
ARCHITECTE, PLASTICIEN de renommée internationale, photographe, blogueur mais aussi fantasque empêcheur de tourner en rond, Ai Weiwei est sans doute la meilleure incarnation de cette Chine qui, aujourd'hui, fait plus que s'éveiller et, grâce à son développement inouï, participe désormais, tant économiquement que politiquement, au grand concert des nations. Les dernières réunions du G8 sur fond de crise financière en ont été la preuve, ainsi que la nouvelle volonté des Etats-Unis de se tourner vers l'Asie au détriment de l'Europe... Mais Ai Weiwei n'est pas simplement le pape de la bohème artistique pékinoise et une vedette, à l'instar de Damien Hirst, Jeff Koons ou Maurizio Cattelan, de l'art contemporain.
Par ses prises de position en faveur de la liberté d'expression, ses provocations, sa dérision et ses pieds de nez, il est devenu le poil à gratter de la société chinoise et le héraut d'une nouvelle dissidence s'exprimant surtout sur Internet. Les autorités ne s'y sont pas trompées en l'arrêtant le 3 avril dernier et en le gardant emprisonné plusieurs semaines pour "crimes économiques". Comme les anonymes de Tunis ou du Caire, les "indignés" de Madrid ou de Wall Street, Ai Weiwei représente à sa façon, joueuse et frondeuse, ce sursaut qui pousse un homme sans qualité à devenir le sujet de sa propre histoire. C'est pourquoi la rédaction du Monde a désigné ce trublion, cet artiste engagé, comme la personnalité de l'année 2011...
Depuis sa libération le 22 juin, Ai Weiwei passe ses matinées à répondre aux mails. Ce fut d'abord une routine de convalescent, de rescapé revenu du monde des morts. C'est désormais un rythme de croisière, même si tout change souvent à la dernière seconde. Il gère également les détails liés aux expositions de ses oeuvres qui tournent dans le monde – une dizaine figurent dans des expositions, toutes programmées avant son arrestation, dont les Têtes du zodiac, actuellement à Los Angeles, ou encore une grande rétrospective à Taipei, et une rétrospective de ses photographies programmée du 21 février au 29 avril 2012 au Jeu de paume à Paris.
A intervalle régulier, il fait des pauses devant l'un des ordinateurs de son atelier de Caochangdi, au milieu de la jeune troupe qui travaille pour lui. Les tweets défilent sur l'écran. On fait remarquer qu'il s'exprime moins qu'avant sur les événements qui embrasent la Toile chinoise. "Je me retiens. Sinon, j'en dirais trop, je ne pourrais pas m'arrêter", dit-il, avec sa voix douce de grand timide.
Toujours banni des médias chinois, le plus célèbre des opposants au régime fait surface de temps en temps là où on ne l'attend pas : le site d'information Caixin, connu pour ses audaces, a ainsi mis en ligne il y a quelques jours une photo de l'artiste à New York, où il vécut de 1981 à 1993. Plusieurs librairies pékinoises vendent son recueil de blogs et d'entretiens sorti en 2010. Une galerie du 798 Qi Jiu Ba, le site industriel converti en espace artistique de Pékin, montre l'une de ses installations sur les écoliers du Sichuan. Comme si de rien n'était, ou presque.
L'ARTISTE, QUI A PASSÉ QUATRE-VINGT-UN JOURS DANS LES GEÔLES secrètes du dragon chinois, d'avril à juin dernier, est toujours sous une forme de liberté conditionnelle. Il ne peut quitter Pékin sans autorisation. Des voitures de police sont stationnées en permanence près de son domicile. On teste la résistance de ceux qui l'entourent : son épouse, Lu Qing, responsable légale de Fake Design, l'agence d'Ai Weiwei, convoquée et interrogée fin novembre par la police, comme plusieurs de ses employés. Ou encore son avocat, Pu Zhiqiang, un grand gaillard à la voix de stentor, dont les policiers cherchent le point faible. La tactique de la victime collatérale est redoutable : les quatre personnes "disparues" en même temps qu'Ai Weiwei en avril – son comptable, son chauffeur, un associé et un partenaire – furent maltraitées en détention. L'un d'entre eux, l'architecte Liu Zhenggang, victime d'une crise cardiaque, faillit même y passer.
Ses après-midi, Ai Weiwei les consacre au fils, âgé de 2 ans, qu'il a eu avec son actuelle compagne. Il l'emmène au supermarché, puis au parc. En soirée, il s'attelle à la signature des "reçus" confectionnés à l'attention de chacun des 30 000 internautes qui l'ont aidé à payer la caution exigée par le fisc. Il reste à en signer les deux tiers.
Dans la salle de réunion, le jour de notre passage, quatre bénévoles calligraphient au pinceau le nom des contributeurs, avec le message suivant : "Merci à ceux qui ont la bienveillance de m'aider à traverser cette période sombre, et luttent à mes côtés au nom de la justice. Je promets de rendre tout l'argent emprunté. Ce reçu en est la preuve." Certains des timbres indiquant le montant prêté sont ornés de graines de tournesol ou portent le dessin de la mascotte anticensure des internautes chinois, le lama Caonima (en mandarin, suivant les tons utilisés cao ni ma peut signifier "cheval de l'herbe et de la boue" ou... "nique ta mère").
Belle revanche sur l'irascible dragon du petit lama en peluche et des Sunflower Seeds : l'oeuvre constituée de millions de graines en porcelaine, faites à la main, présentée lors de la grande exposition de la Tate Modern de Londres, ne symbolise-elle pas, entre autres, les masses chinoises piétinées et désunies ? L'exposition était toujours en cours lors de l'arrestation de son auteur en avril 2011.
Après sa libération, Ai Weiwei a rouvert discrètement un compte sur Weibo, le site de microblogging chinois, sous le nom d'Aihuzi, ou "Ai le Tigre" – ses blogs et ses comptes sur le Net chinois ont tous été fermés au printemps 2009. Les abonnés à Aihuzi, qui se sont vite comptés par dizaines de milliers-, lui ont commandé des graines de tournesol. A eux de payer le port, et il leur en enverrait deux par personnes.
Quand est tombée début novembre la notification d'une amende fiscale à l'encontre de Fake Design, la Toile s'est mise à crépiter. Ai Weiwei et ses avocats ont dénoncé les vices de procédure, l'absence de preuves et l'hypocrisie d'une attaque avant tout politique. Des internautes ont proposé leur aide. Un numéro du compte en banque a été mis en ligne. Et en moins de dix jours, près de 30 000 internautes font parvenir à Fake Design, en leur nom personnel, l'équivalent de 1 million d'euros. La plupart des donations sont accompagnées de messages sur Weibo : "Quand un caonima ne peut ni voter avec sa main ni voter avec ses pieds [en émigrant], il lui reste à voter avec quelques renminbi ! [la monnaie chinoise]", dit l'un de ces 30 000 pieds de nez à l'Etat censeur.
WEIWEI, L'ANCIEN JOUEUR DE BLACK-JACK qui sévissait à Atlantic City, s'amusait à monter des gags avec Allen Ginsberg à Greenwich Village, ou faisait rougir ses compatriotes chinois de passage à New York en les mettant au défi d'être photographié nus, parfois en pleine rue, s'étonne lui-même de ces enchaînements improbables, souvent burlesques. Il n'avait pas prévu, ou calculé, que ses actions auraient un tel impact. "Avec Ai Weiwei, c'est devenu une mode pour les jeunes Chinois de s'intéresser aux affaires publiques. Tout à coup, avec lui, les défenseurs des droits sont devenus des stars. Avant, on les associait à des choses dangereuses, violentes", explique He Peirong, une jeune professeure d'anglais de Nankin convertie l'an dernier en pasionaria de la cause de Chen Guangcheng, un militant aveugle persécuté dans le Shandong. "La défense des droits est devenue une performance artistique", poursuit-elle.
En détention, ses interrogateurs ont notamment reproché à l'artiste plusieurs des photos mises en ligne sur son blog en 2009 et très largement diffusées sur la Toile chinoise. Dans l'une, il apparaît en suspension, dans le plus simple appareil, le sexe dissimulé derrière un caonima en peluche. Un autre cliché, baptisé "Le tigre et les huit seins" par les internautes, montre le quinquagénaire ventripotent et barbu, assis sur une chaise traditionnelle chinoise, en compagnie de quatre femmes, poussées à des degrés variés de fou rire, sur le modèle des portraits de famille. Tout le monde est dévêtu, mais les parties génitales ne sont jamais visibles.
On l'accuse lors des interrogatoires d'avoir fait circuler de la pornographie – la sanction est fonction, lui dit-on, du nombre de gens qui ont vu les photos. Mais on lui reproche surtout leur contenu politique : des jeux de mots sur la position du lama Caonima devant ses "parties centrales" – le comité central du Parti – avaient déclenché l'hilarité sur le Web. Les internautes n'avaient cessé également de débattre des sens cachés du " Tigre et des huit seins ", voyant dans Ai Weiwei un symbole de l'écartèlement du comité central, et dans l'une des odalisques la bourgeoisie fière et installée, dans l'autre les médias serviles, dans la troisième les intellectuels dubitatifs et, enfin, les ouvriers migrants dans la plus timide d'entre elles.
AI WEIWEI S'ÉTAIT POURTANT LANCÉ PAR HASARD dans cette série de nus : en mai 2009, un officiel d'assez haut rang l'a appelé pour lui demander ce qu'il prévoyait pour les vingt ans de Tiananmen. L'artiste a répondu qu'il n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit, mais n'avait pas de promesse à faire. Dans les jours qui ont suivi, ses blogs sur les portails chinois (Sina et Sohu), qui totalisaient 13 millions de visiteurs et avaient servi de support à l'enquête citoyenne qu'il a lancée fin 2008 sur les écoliers disparus du Sichuan, sont supprimés. Le blogueur s'inscrit alors sur un serveur à l'étranger, et s'y montre nu afin de l'authentifier aux yeux des internautes - non sans faire au passage un bras d'honneur à la censure.
Quant aux quatre jeunes femmes, elles voulaient absolument lui rendre visite, et il avait cru, dit-il, les décourager en leur proposant de poser nues. L'expérience fut naturelle, sans aucune perversité, nous a raconté plus tard Ye Haiyan, l'une des participantes. En détention, l'interrogateur d'Ai Weiwei, qui ne cessait de dire "Le sein et les huit tigres" au lieu du "Tigre et les huit seins", voulait lui faire reconnaître sa responsabilité dans les interprétations des photos qui ont tant passionné le Net chinois.
"Avez-vous dit que vous n'aviez pas l'intention de donner une telle interprétation ?", lui demande-t-il.
- Non, répond l'intéressé.
- Alors, cela revient à en avoir l'intention ", a poursuivi le policier..."
L'arrestation d'Ai Weiwei, le 3 avril, alors qu'il est à l'aéroport de Pékin pour se rendre à Taipei via Hong-kong, a surpris tout le monde, lui le premier. Le climat est alors particulièrement délétère en Chine. Depuis fin février, des appels à une "révolution du jasmin" circulent et des dizaines de militants, d'internautes, d'avocats sont mis au secret - une vague de répression comme la Chine n'en avait plus connu ces dernières années.
Mais Ai Weiwei bénéficie d'une protection non dite : internationalement connu, célèbre en Chine même si son nom est censuré depuis 2009, il est le fils du grand poète Ai Qing (1910-1996), dont les oeuvres sont connues de tous les Chinois et célébrées par le Parti. Ai Qing fut désigné comme " droitiste " et envoyé en exil dès 1957, l'année où naît Ai Weiwei, puis traité comme un paria pendant la Révolution culturelle - une expérience qui a fortement marqué le jeune Weiwei – "C'était le règne de l'inhumanité la plus complète", se souvient-il aujourd'hui. Le grand poète fut finalement réhabilité à la mort de Mao.
En faisant "disparaître" Ai Weiwei à l'aéroport, la police politique rend l'arrestation officieuse. Aucune notification ne sera jamais fournie à la famille. Des policiers perquisitionnent le jour même son studio. La presse officielle évoque quelques jours plus tard des "crimes économiques", tout en accusant l'individu de s'être "approché trop près de la ligne rouge". Le prisonnier restera tout le temps de sa détention dans un lieu secret, sous la surveillance constante de deux soldats postés dans sa cellule. L'arrestation ne l'a pas surpris. Les trois films documentaires qu'il a réalisés sur le harcèlement policier subi par des militants chinois (Blissful Harmony, A Beautiful Life et The Police Hit People), un travail de documentation sur la répression policière quasiment unique en Chine, ne lui ont laissé "aucune illusion" sur les méthodes employées.
C'EST APRÈS QUE ÇA S'EST GÂTÉ. "Quand on vous dit qu'il n'y a pas de loi pendant six mois, que vous ne pouvez pas prévenir votre famille, la situation est grave. On vous martèle que vous tombez sous le coup d'une autre forme de loi", raconte-t-il un matin de décembre. Le suspect subit une cinquantaine d'interrogatoires. "D'un côté, ça semble ridicule. Mais c'est comme un verdict. Ils vous disent que vous prendrez dix ans pour subversion, que vous ne reverrez jamais votre mère, ni grandir votre enfant. Jour après jour, ils vous le répètent et vous y croyez", explique-t-il. Une dizaine de billets de son blog écrits en 2007 et 2008 sont sélectionnés par ses interrogateurs.
"Mon degré de critique, selon leurs critères, équivalait à de la subversion", raconte-t-il. De même, six écrits de Liu Xiaobo avaient motivé la sentence "d'incitation à la subversion de l'Etat", prononcée le 25 décembre 2009 et qui lui valut onze ans de prison. Ai Weiwei sera questionné sur ses interviews à la presse étrangère, sur une conférence donnée dans une université à Hong-kong, sur le fait qu'il partage sa vie avec une femme autre que son épouse actuelle. Il doit livrer chaque jour des autocritiques, devant la caméra et sous forme écrite : "Vous devez admettre des crimes, sans savoir par rapport à quelle loi. Vous n'avez pas d'avocat. J'avouais, en disant, s'il est prouvé que ce soit un crime...", confie-t-il.
Certes, ce trublion de la Toile chinoise, qui avait appelé au boycott des Jeux olympiques en 2008 alors même qu'il avait participé à la conception du fameux stade Nid d'oiseau, n'y allait pas avec le dos de la cuillère dans ses attaques. "Vous disparaîtrez de notre vue dès que vous nous aurez rendu le droit de vote, et on n'entendra plus jamais parlez de vous. Toi le régime totalitaire sans vergogne, on aura même plus besoin de t'insulter – tu sombreras dans l'oubli", écrit-il en 2009 sur Twitter. Il est connu pour ses photos et ses sculptures du majeur de la main dressé bien droit, dans un perpétuel défi au pouvoir communiste.
Est-ce parce qu'il n'était pas en Chine durant la décennie qui mena aux événements de Tiananmen en 1989 qu'il se permet une telle liberté ? "Il va trop loin. Il cherche la publicité", s'agacent souvent des artistes de sa génération. La plupart ont enterré la hache de guerre. Ils profitent de tous les avantages de cette Chine ouverte à (presque) toutes les libertés et dans laquelle il importe bien moins de n'avoir pas de droits tant qu'on a beaucoup d'argent.
Quand en 2009 tout un groupe d'artistes expulsés de leurs ateliers,l'invite à rejoindre ses activités de protestation, certains l'accuseront de tirer la couverture à lui dans les médias étrangers. Ou le trouvent trop extrémiste. Quand il embarque quelques têtes brûlées pour défiler avenue de la Paix-Céleste, lui marche à l'écart, pour les filmer ; les autres artistes, intimidés par la police, s'en tiendront à des jeux de colonie de vacances dans un gymnase...
Son histoire d'amour avec Internet - après que le portail Sina lui propose de tenir un blog en 2007 - est loin de se résumer aux milliers de coups de gueule, sous forme de commentaires ou de tweets, qu'il a pu y publier à propos de telle ou telle affaire. C'est le travail sur le film Fairy Tale (2007) qui lui fait compren-dre pour la première fois le potentiel de ce nouveau média : il lance sur son blog un appel afin de recruter 1 001 candidats désirant voyager pour la première fois en dehors de Chine, à l'occasion de la foire Documenta de Kassel en Allemagne. La sélection de cet " échantillon vivant" de Chine fera l'objet d'un documentaire passionnant. En 2008, l'affaire Yang Jia, un jeune meurtrier que les internautes baptiseront "le tueur de flics", révélera quelques-unes des dysfonctionnements aberrants du système judiciaire chinois et le malaise d'une partie de la jeunesse. Ai Weiwei en fera une enquête filmée sur les jours qui ont précédé le massacre.
Le scandale des écoles du Sichuan qui, mal construites, s'écroulent en quelques secondes lors du séisme de mai 2008, amènera l'architecte qu'il est aussi à lancer en décembre 2008 une enquête citoyenne : près de 200 bénévoles vont dans les régions sinistrées retrouver les noms des enfants disparus. Le sujet est devenu tabou. Les parents des enfants et les bénévoles sont harcelés. La progression de l'enquête est racontée sur un blog. Toute une série d'installations, de films et de performances déclineront ce déni de mémoire, comme Nian ("le manque", en français), 4 851 noms prononcés par autant d'internautes qui lui ont chacun envoyé un fichier sonore. Forcées de réagir, les autorités publieront enfin un bilan des enfants victimes. Une victoire, même si l'enquête officielle sur les responsabilités des constructions défaillantes n'aboutira jamais.
En parallèle à l'initiative d'Ai Weiwei, Tan Zuoren, un militant de Chengdu qui avait lui aussi entrepris de créer un mémorial pour les enfants, se fait arrêter (mars 2009), puis condamné en août à la prison pour " incitation à la subversion". Ai Weiwei est indigné. Il se rend à Chengdu avec les avocats de Tan Zuoren et plusieurs supporters pour témoigner à son procès en appel. Mais la petite troupe est séquestrée à l'hôtel par la police, Ai Weiwei recevant même un coup sur la tête – il découvrira ensuite qu'il en a gardé de graves séquelles lors d'un examen médical en Allemagne.
L'une des assistantes d'Ai Weiwei est kidnappée. Son mari accourt de Pékin, et l'équipée se lance à sa recherche dans les commissariats de la ville. Cela deviendra un film désopilant, intitulé Lao Ma Ti Hua, qui révèle au grand jour l'inanité du concept de justice dans la Chine d'aujourd'hui. "On prenait quelques images pour nos archives. Et puis j'avais enregistré le son quand les policiers sont entrés dans ma chambre et m'ont frappé. J'étais tellement en colère qu'on a décidé d'en faire un film", se souvient-il. Lao Ma Ti Hua et la dizaine d'autres documentaires de Fake Design, produits en 2009-2010, sont la partie émergée de l'iceberg d'impertinence qu'est le plus engagé des artistes chinois. Près de 100 000 DVD ont été distribués en Chine par le studio. Au moins autant ont été téléchargés sur le Net.
Lui en a-t-on parlé, lors des interrogatoires ? "Il y a des choses qu'ils ne me demandaient jamais. C'est comme s'ils évitaient. Par contre, ils voulaient savoir qui j'avais rencontré à New York vingt ans auparavant !" Allez savoir ce qui trotte dans la tête du dragon ?...
Sur Ai Weiwei, lire aussi...
"L'architecture comme dissidence", par Frédéric Edelmann
"Un goût pour la provocation acquis en Occident", par Philippe Dagen
Google translate:
M > The Magazine > People
Ai Weiwei, an artist of the revolt
Artist, architect, troublemaker cybermilitant unclassifiable, Ai Weiwei managed primarily the feat of putting a face to dissent in China. What it is to be chosen by the editor of "World" as the Person of the Year.
Pedroletti By Brice
ARCHITECT, visual artist internationally renowned photographer, blogger and also fantastic fly in the round, Ai Weiwei is perhaps the best embodiment of that China today does more than wake up and, thanks to its unprecedented development, now involved, both economically and politically, to the great family of nations. The recent G8 meetings on a background of financial crisis have been demonstrated, and the new willingness of the United States to turn to Asia at the expense of Europe ... But Ai Weiwei is not just the Pope of the bohemian artistic Beijing and a star, like Damien Hirst, Jeff Koons and Maurizio Cattelan, of contemporary art.
For his stand for freedom of expression, its provocations, its mockery of nose and feet, he became the thorn in Chinese society and the herald of a new dissident speaking especially on the Internet . The authorities there are not deceived by stopping it on April 3 and keeping imprisoned several weeks for "economic crimes". As the anonymous Tunis and Cairo, the "outrage" of Madrid or Wall Street, Ai Weiwei is in its own way, playful and irreverent, this burst that pushes a man without qualities to become the subject of his own history. Therefore the preparation of the World has appointed the troublemaker, the committed artist, like the personality of the year 2011 ...
Since his release on June 22, Ai Weiwei spends his mornings to respond to emails. First it was a routine convalescent, survivor of income from the dead. It is now a stride, even though everything changes often at the last second. It also manages the details related to the exhibitions of his works that run the world - are in a dozen exhibitions, all programmed before his arrest, including the heads of the zodiac , in Los Angeles, or a major retrospective in Taipei, and a retrospective of his photographs scheduled from February 21 to April 29, 2012 at Jeu de Paume in Paris.
At regular intervals, he breaks one of the computers in front of his studio in Caochangdi, among the young troupe that works for him. Tweets scroll across the screen. It was noted that expresses less than before the events that inflame the Internet in China. "I remember. Otherwise, I would say too, I could not stop," he said, with his large soft-spoken shy.
Still banned from Chinese media, the most famous opponents surfaced from time to time where we least expect it: the information site Caixin, known for his daring, has posted a few days ago photo of the artist in New York, where he lived from 1981 to 1993. Many bookstores sell his collection of Beijing's blogs and interviews released in 2010. A gallery of 798 Jiu Qi Ba, the industrial site converted into art space in Beijing, shows one of its facilities on school children in Sichuan. As if nothing had happened, or almost.
The artist, who spent four-twenty-one days in jail secret of the Chinese dragon, from April to June, is still a form of parole. He can not leave Beijing without permission. Police cars are stationed permanently near his home. We test the resistance of those around him: his wife, Lu Qing, head of legal Fake Design, Ai Weiwei agency, called and questioned by police in late November, as many of its employees. Or his lawyer, Pu Zhiqiang, a tall fellow with a stentorian voice, which the police seek the weak point. The tactics of collateral damage is formidable: the four "disappeared" at the same time Ai Weiwei in April - his accountant, his driver, a partner and a partner - were abused in custody. One of them, the architect Liu Zhenggang, suffered a heart attack, almost the same spend.
His afternoon dedicated to Ai Weiwei's son, aged 2 years, he had with his current girlfriend. He takes her to the supermarket and the park. In the evening, he tackled the signing of the "received" made to the attention of each of the 30 000 users who helped him pay the deposit required by the IRS. It remains to be signed by two thirds.
In the meeting room, the day of our visit, four volunteers calligraphient brush the names of contributors, with the following message: "Thank you to those who have the kindness to help me through this dark period, and fight by my side the name of justice. I promise to make all the money borrowed. This receipt is proof. " Some of the stamps showing the amount paid are adorned with sunflower seeds or bear the design of the mascot anti-censorship of Chinese Internet users, the Caonima Lama (in Mandarin, according to the tone used cad or my can mean "horse grass and mud" or ... "fuck your mother").
Sweet revenge on the irascible dragon from the small stuffed llama and Sunflower Seeds : the work consists of millions of grains of porcelain, hand-made, presented to the major exhibition at the Tate Modern in London, it does not symbolize not, among other things, the Chinese masses trampled and broken homes? The exhibition was ongoing during the arrest of its author in April 2011.
After his release, Ai Weiwei has quietly opened an account on Weibo, the Chinese microblogging site, under the name of Aihuzi or "Did the Tiger" - his blogs and accounts on the Internet in China have all been closed in spring 2009 . Subscribers to Aihuzi, which were quickly counted by tens-of thousands, he ordered sunflower seeds. To them to pay shipping, and send them by two people.
Fell in early November when the notification of a fine against Fake Design, the Web began to crackle. Ai Weiwei and his lawyers denounced the procedural flaws, the lack of evidence and attack the hypocrisy of a primarily political. Of Internet users have offered to help. A number of the bank account has been posted. And in less than ten days, nearly 30,000 Internet users are reaching Fake Design, on their own behalf, the equivalent of 1 million euros. Most donations are accompanied by messages of Weibo: "When a caonima can not vote or vote with his hand with his feet [emigrating] , it still has to vote with a few renminbi! [Chinese currency] , " says the One of these 30 000 feet from nose to the state censor.
Weiwei, former player of blackjack that raged in Atlantic City, amused himself by climbing gags with Allen Ginsberg in Greenwich Village, or was ashamed of his Chinese compatriots visiting New York in challenging them to be photographed nude, sometimes in the street, surprised himself of these unlikely sequences, often comical. He had not planned or calculated, that his actions would have such an impact. "With Ai Weiwei, it became fashionable for young Chinese interest in public affairs. Suddenly, with him, the defenders rights have become stars. Before, they were associated with things dangerous, violent, " says He Peirong, a young English teacher in Nanjing last year converted pasionaria the cause of Chen Guangcheng, a blind activist persecuted in Shandong. "Advocacy has become an artistic performance," she says.
In detention, his interrogators were particularly criticized the artist more photos posted on his blog in 2009 and widely disseminated on the Internet in China. In one, it is suspended in the nude, sex hidden behind a caonima stuffed. Another shot, called "The Tiger and the eight breasts" by users, shows the fifties bellied, bearded, seated on a chair Traditional Chinese, with four women, driven to varying degrees of laughter, on the model of family portraits. Everyone is naked, but the genitals are never visible.
He was accused during interrogation to have circulated of pornography - the penalty is based, he said, the number of people who have seen the pictures. But he criticized especially their political content: puns on the position of Caonima Lama before his "central parts" - the Party Central Committee - sparked hilarity on the Web. The Internet had also ceased to discuss the hidden meanings of "Tiger and eight breasts," Ai Weiwei in seeing a symbol of the quartering of the Central Committee, and one of the bourgeoisie odalisques proud and installed in other servile media, in the third dubious intellectuals and, finally, the migrant workers in the most timid of them.
Ai Weiwei ACTUALLY LAUNCHED BY CHANCE in this series of nudes: In May 2009, a fairly senior official called him to ask him what he planned for the twentieth anniversary of Tiananmen. The artist said he did not intend to do anything, but did not promise to do. In the days that followed, his blogs on Chinese portals (Sina and Sohu), totaling 13 million visitors and had served as a support for the citizens' survey that was launched in late 2008 on the missing students from Sichuan are deleted. The blogger then falls on a server abroad, and shows himself naked to authenticate the eyes of users - not without passing the finger to censorship.
The four young women, they were determined to visit him, and he thought, he said, discouraged by offering to pose nude. The experience was natural, with no evil, told us later Ye Haiyan, one of the participants. In detention, the interrogator Ai Weiwei, who kept saying "The breast and eight tigers" instead of "Tiger and eight breasts," wanted him to acknowledge its responsibility for the interpretations of the pictures which are so passionate the Net in China.
"Did you say that you did not intend to give such an interpretation?" asked he.
- No, the person responds.
- So, this means having the intent, " continued the officer ... "
The arrest of Ai Weiwei, April 3, when he was at the Beijing airport to travel to Taipei via Hong Kong, has surprised everyone, himself first. The climate is then particularly deleterious in China. Since late February, calls for a "jasmine revolution" and move dozens of activists, surfers, lawyers are held in solitary confinement - a wave of repression as China did better known in recent years.
But Ai Weiwei is protected unspoken: internationally known, famous in China even if his name has been censored since 2009, he was the son of the poet Ai Qing (1910-1996), whose works are known to all Chinese and celebrated by the Party. Ai Qing was designated as "rightist" and sent into exile in 1957, the year when Ai Weiwei was born, and then treated as a pariah during the Cultural Revolution - an experience that strongly influenced the young Weiwei - "It was the reign of the most complete inhumanity, " he recalls today. The great poet was finally restored to the death of Mao.
By "disappear" Ai Weiwei at the airport, the political police make arrest informally. No notification will never be provided to the family. Police officers searched the same day his studio. The official press mentions a few days of "economic crimes", while accusing the individual of having "too close to the red line." The prisoner will remain all the time of his detention in a secret location under the constant monitoring of two soldiers stationed in his cell. The arrest has not surprised. The three documentary films he has directed the police harassment suffered by Chinese activists ( Blissful Harmony, A Beautiful Life and The Police Hit People ), a work of literature on police almost unique in China, have left him " no illusions " about the methods employed.
IT AFTER IT HAS SPOILED . "When you are told there is no law for six months, you can not tell your family, the situation is serious. You insists that you fall within the scope of another form of law, " he says one morning in December. The suspect suffered some fifty interviews. "On the one hand, it seems ridiculous. But it's like a verdict. They tell you that you will take ten years for subversion, you will never see your mother or your child grow . Day after day, they will repeat it and you believe it, " he says. A dozen notes written in his blog in 2007 and 2008 are selected by his interrogators.
"My level of criticism, according to their criteria, tantamount to subversion," he says. Similarly, six writings of Liu Xiaobo had motivated the award of "inciting subversion of state", issued December 25, 2009 and for which he was eleven years in prison. Ai Weiwei will be questioned about his interviews to the foreign press, in a lecture at a university in Hong Kong, the fact that he shares his life with a woman other than his current wife. It must deliver daily self-critical, on camera and in written form: "You have to admit the crimes, not knowing from what law. You do not have a lawyer. I confessed, saying, if is evidence that it is a crime ...", he says.
Admittedly, this troublemaker of the Web Chinese, who had called for a boycott of the Olympics in 2008 even though he had participated in the design of the famous Bird's Nest stadium, did not go with the back of the spoon in his attacks. "You will disappear from sight as soon as you have made the right to vote, and we never heard of you. You, the totalitarian regime without shame, we will even need to insult you - you will sink into oblivion, " he wrote in 2009 on Twitter. He is known for his photographs and sculptures of the middle finger of the hand drawn straight, in a perpetual challenge to Communist rule.
Is it because he was not in China during the decade that led to the events in Tiananmen in 1989 that he allows such freedom? "It goes too far. It seeks publicity," s'agacent often artists of his generation. Most have buried the hatchet. They enjoy all the benefits of China open to (almost) all the freedoms in which he is far less important to have no rights as we have a lot of money.
When in 2009 a group of artists evicted from their workshops, invited him to join his protest activities, some accuse him of pulling the blanket to him in foreign media. Or are too extreme. When he embarks few hotheads to scroll Avenue de la Paix, Celeste, her walk away, to film, other artists, intimidated by the police, will stick to games summer camp in a gym. ..
His love affair with the Internet - after portal Sina asked him to keep a blog in 2007 - is far more than the thousands of rants, as comments or tweets, he was able to publish about a particular case. This is the work on the film Fairy Tale (2007) which makes under-stand for the first time the potential of this new medium: it runs on his blog a call to recruit 1001 candidates wishing to travel for the first time in outside of China, on the occasion of the fair Documenta in Kassel, Germany. Selecting this "live sample" of China will be a fascinating documentary. In 2008, Yang Jia case, a young murderer that people baptize "the cop killer," reveal some of the shortcomings of the judiciary aberrant Chinese and discomfort of a part of youth. Ai Weiwei will do a survey on the filmed days before the massacre.
The scandal of the schools in Sichuan that poorly constructed, collapsed within seconds during the earthquake of May 2008, it will bring the architect is to be launched in December 2008 a citizen survey with nearly 200 volunteers are in the regions affected find the names of missing children. The subject has become taboo. Parents of children and volunteers have been harassed. The progress of the investigation is told in a blog. A series of installations, film and performance will decline this denial of memory, as Nian ("lack" in French), 4851 names spoken by many users that have each sent a sound file. Forced to respond, the authorities finally publish a report of child victims. A victory, even if the official inquiry into the responsibilities of faulty construction will never succeed.
In parallel with the initiative of Ai Weiwei, Tan Zuoren, an activist in Chengdu who had also set out to create a memorial for the children, is arrested (March 2009), in August and sentenced to prison for "inciting subversion ". Ai Weiwei is outraged. He went to Chengdu with counsel for Tan Zuoren, and several supporters to testify at his trial on appeal. But the little group is sequestered at the hotel by the police, Ai Weiwei even receiving a blow to the head - then he discovers that he has kept serious consequences during a medical examination in Germany.
One of the assistants of Ai Weiwei is kidnapped. Her husband ran in Beijing, and equipped starts looking for him in the police of the city. This will become a hilarious film, entitled Lao Ma Ti Hua, who openly revealed the futility of the concept of justice in China today. "We took some pictures for our archives. And then I recorded the sound when the police came to my room and hit me. I was so angry that we decided to make a movie, " he recalls. Lao Ma Ti Hua and dozens of other documentaries Fake Design, produced in 2009-2010, are the tip of the iceberg of what impertinence the most committed of Chinese artists. Nearly 100,000 DVDs have been distributed in China by the studio. At least as many were downloaded from the Net.
Him have we talked about during interrogation? "There are things they never asked me. It's like they were avoiding. For cons, they wanted to know who I met in New York twenty years ago " Who knows what is running through the dragon's head? ...
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